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INSTITUT SUPÉRIEUR PRIVÉ DE PHILOSOPHIE  Maison Lavigerie
INSTITUT SUPÉRIEUR PRIVÉ DE PHILOSOPHIE Maison Lavigerie
  • Grand Séminaire de Philosophie des Missionnaires d'Afrique à Ouagadougou, avec l'objectif d'assurer une formation philosophique et religieuse aux étudiants, leur permettant d'acquérir les concepts nécessaires pour poursuivre dans des cycles universitaires
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1 mars 2014

Entretien avec le Docteur Cyrille SEMDE

Le Grand Séminaire des Missionnaires d’Afrique/ Maison Lavigerie de jadis est désormais reconnu sous l’appellation Institut Supérieur Privé de Philosophie/ Maison Lavigerie (ISPP). Depuis l’année dernière, il fonctionne comme un Institut privé, mais reconnu par le Ministère  des Enseignements Supérieurs et de la Recherche Scientifique du Burkina Faso. Cette année académique marque le  Jubilé d’Argent de cette maison de formation, jeune Institut. Nous nous sommes approchés du directeur académique, un professeur titulaire à l’Université de Ouagadougou et qui intervient à l’ISPP. Dans cette interview, il n’a pas hésité de nous livrer sa réflexion. Lisez donc !     

Bonjour Dr SEMDE. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je me nomme Cyrille SEMDE ; je suis enseignant-chercheur à l’université de Ouagadougou, département de philosophie et de psychologie ; depuis novembre 2013 j’assume la fonction administrative de Directeur des Institutions d’Enseignement supérieur publiques, structure de l’administration centrale et qui relève de la Direction Générale de l’Enseignement supérieur et de la recherche. J’assume également la responsabilité de Directeur académique de l’Institut Supérieur de Philosophie/ Maison Lavigerie

L’institut de formation des Missionnaires d’Afrique (Maison Lavigerie) a connu des changements en ces dernières années : statut d’Institution Supérieur Privé de Philosophie (I. S. P. P.), système L. M. D. dont l’application n’est pas sans difficulté dans certaines universités africaines. Pouvez-vous revenir sur les avantages et les inconvénients de ce système pour les enseignements supérieurs des pays comme le nôtre ? 

Il faut noter que l’entrée dans le système LMD correspond à une dynamique mondiale si bien que les établissements d’enseignement supérieur publics et privés du Burkina Faso ne peuvent pas s’y soustraire. Il ne s’agit donc pas d’une réforme qui s’applique uniquement à l’ISPP/ML. Il va sans dire que tout changement est riche de promesses, suscite des inquiétudes et des résistances, recèle des difficultés auxquelles l’on doit faire face. Au titre des promesses on note l’opportunité de la révision des programmes de telle sorte qu’à chaque cycle de formation corresponde un profil ; le raccourcissement de la durée de la formation avec la disparition des diplôme de maîtrise et de DEA ; l’exigence de proposer des contenus de cours précis et accessibles aux étudiants ; la participation plus active des étudiants à leur propre formation ; la mobilité des étudiants et des enseignant-chercheurs, la création des filières professionnalisantes, l’amélioration de la qualité de la formation et de la gouvernance universitaire. Pour ce qui est de l’ISSP/ML des matières qui n’étaient pas prises en compte dans l’évaluation le sont maintenant.

D’une manière générale, les difficultés que le système implique concernent les infrastructures et les équipements qui doivent être appropriés aussi bien en quantité et en qualité,  la formation des enseignants eux-mêmes pour l’appropriation du système, sur la maitrise de l’outil technique et informatique pour la mise en ligne des cours, la réussite des évaluations lorsque les années académiques sont perturbées, les coûts financiers impliqués. Au Burkina Faso et plus particulièrement à l’université de Ouagadougou l’irrégularité de l’année académique rend difficile l’application du système LMD qui implique une semestrialisation des enseignements et des évaluations. En plus de tout ce qui vient d’être dit il faut ajouter la nécessité d’adapter les diplômes aux offres d’emploi, en ce qui concerne les concours de la fonction publique.

Vous intervenez dans la formation humaine et intellectuelle des étudiants à la Maison Lavigerie. Quelle comparaison faites-vous des conditions d’étude à Lavigerie par rapport aux autres écoles supérieures où vous intervenez ?

Je dirai que vous êtes dans une situation privilégiée par rapport aux autres, surtout aux universités publiques qui souffrent d’innombrables difficultés qui donnent parfois le sentiment qu’elles menacent de faire naufrage. Il y a des choses simples auxquelles vous ne faites peut-être pas attention mais qui sont très importantes et qui devraient vous rassurer et vous engager davantage : vos dortoirs sont à peine à deux cents mètres de vos salles de classe ; dans le cas contraire vous ne vous soucier pas de comment arriver à l’école ; vous ne vous aligner pas à partir de 10 heures pour avoir à manger ; chacun est sûr que sa place en classe est garantie…La situation est toute différente au niveau des universités. Les conditions de vie et d’études des étudiants de nos universités  publiques sont dérisoires au point que cela n’est certainement pas sans répercussion sur la qualité de leur formation. La rareté des offres de bourses, l’insuffisance de l’aide et du prêt font que réussir à ses études constitue un défi au regard du coût de la vie.

Quels rapports établissez-vous entre philosophie et religion ? Comment pouvez-vous expliquer l’athéisme ?

Simples dans leur formulation, les questions que vous me soumettez dans le fond sont très difficiles dans la mesure où non seulement elles s’offrent plus à la discussion qu’elles ne font appel à des réponses définitives, fermées, mais encore il s’agit de religieux et de futurs religieux qui me les posent. De manière habituelle on associe athéisme et philosophie et l’on justifie par-là même le conflit ou l’opposition entre la philosophie et la religion. Et on n’hésite pas à brandir certaines figures de la philosophie telles que Nietzsche, à travers sa fameuse déclaration de la mort de Dieu – ce qui a priori ne devrait pas choquer le Chrétien –  et Heidegger – pour qui une philosophie chrétienne est un cercle carré - comme exemple du caractère antireligieux de la philosophie. Ce faisant le sens commun s’étonne qu’un philosophe soit croyant et pratiquant. Parfois l’on s’attend à ce qu’un religieux qui s’initie à la philosophie s’en serve soit pour clarifier les vérités de la foi, soit pour montrer qu’en fin de compte seul le discours de la foi peut sauver l’homme, dénonçant par-là la vanité de la philosophie en tant que sagesse humaine. Dans un autre sens la philosophie qui revendique la raison comme instance suprême de connaissance théorique et d’orientation de la vie pratique et comme fondement de la liberté, veut se subordonner la religion qu’elle prétend mieux comprendre. Figure de l’Esprit absolu, elle n’en est pas l’accomplissement ; elle n’en est qu’un moment comme le dit Hegel. Et Descartes se propose de conduire les hommes à Dieu les yeux ouverts et non les yeux fermés. Au « pharisianisme » de la religion, la philosophie répond en prenant également la posture du « pharisien ». Philosophie et religion sont donc ainsi le plus souvent confinées dans le conflit qui les oppose.

 Et pourtant la philosophie et  la religion, dans une certaine mesure se recoupent et se complètent. Elles ont ceci de commun qu’elles sont des « choses humaines », qu’elles sont créatrices de communauté, mais aussi qu’en elles se manifeste la diversité sauf qu’au niveau de la religion cette diversité donne lieu parfois à la confrontation violente ; elles rapprochent et éloignent, unissent et divisent ; en elles s’expriment les désirs les plus profonds de l’homme tel que le désir du sens ; elles poursuivent la même fin : le salut de l’homme en suivant des démarches différentes ; la philosophie et certaines des religions comme le christianisme et l’islam brisent les frontières géographiques et culturelles. A mon sens la religion et la philosophie peuvent se féconder mutuellement, parce que bien comprises elles participent de l’effort de l’homme pour se rendre transparente son existence.

Pour ce qui est de l’athéisme, on peut tout de suite remarquer qu’il constitue une position humaine que l’on peut a priori juger anormale si l’on est d’accord que l’homme est par nature un animal religieux. Mais ce faisant, on oublie que l’on parle de l’homme en général et non des individus, de la religion et non de la foi en l’être supérieur. S’il est évident qu’un individu, par l’exercice de sa liberté peut opter de ne pas croire en Dieu, si l’individu peut se passer de religion, cela n’est pas le cas au niveau communautaire ou social ; de même il n’est pas évident que ne pas appartenir à une religion implique la négation de Dieu. Il faut en effet, suivant l’avertissement de Compte-Sponville distinguer Dieu et la religion : la religion existe, elle est à la portée de l’homme ; ce qui pose problème à propos de Dieu c’est d’abord son existence et son sens qui donne lieu à diverses interprétations…L’athéisme peut être une réponse aux dérives de la religion,  qui consistent dans le terrorisme et le fanatisme ; mais il peut être également à l’origine de l’oppression et de la violence quand il se transforme en principe politique, quand d’une dimension individuelle on veut en faire une attitude sociale qui doit s’imposer à tous.

Quels conseils pouvez-vous donner aux étudiants qui embrassent pour la première fois des études en philosophie et qui n’ont que des préjugés par rapport à l’intérêt de la discipline ?

Je leur dirais que la philosophie est une discipline comme les autres, c’est-à-dire qu’elle demande de l’effort pour comprendre ses principes et ses exigences, que l’étudier demande donc de la détermination, de l’exercice. On a affaire à un nouveau style de penser, à un nouveau lexique et à de nouvelles méthodes. Ailleurs on aborde la philosophie avec beaucoup d’appréhensions non seulement parce que l’on pense qu’elle est difficile mais aussi et surtout parce qu’elle n’offre pas beaucoup de choix en matière de débouchés, ce qui peut évidemment décourager dans un contexte où l’emploi se fait rare. Mais pour vous étudiants-religieux j’imagine que les inquiétudes se trouvent au niveau des difficultés que recèle l’étude de la philosophie et du préjugé selon lequel elle pourrait semer le doute quant à certains choix fondamentaux. Il convient d’aborder la philosophie avec suffisamment de conviction qu’elle est accessible pour autant que « le bon sens est chose du monde la mieux partagée » pour reprendre la formule désormais consacrée de Descartes.

L’Institut Supérieur Privé de Philosophie vient de célébrer ses vingt et cinq (25) ans d’existence. Que souhaitez-vous pour le futur ?

Que l’Institut grandisse en nombre et en efficacité, et que son rayonnement s’étende toujours davantage, par la grâce de Dieu.

Votre dernier mot.

Quand j’entends cette expression je frémis parce que c’est la dernière faveur qu’on accorde au condamné à mort que l’on s’apprête à exécuter. Mais j’imagine qu’il s’agit du dernier mot de cet entretien et dans ce sens je voudrais juste vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer au sujet de questions que vous avez su si bien poser. Je souhaite beaucoup de courage à tous !

Propos recueillis par Marius SIMPORE

 

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Commentaires
Z
Un seul entretien et pourtant beaucoup de choses apprises.
B
Bel entretien. Mais ce qui manque à l'article c'est la photo du Dr Semdé pour plus de professionnalisme.
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